J'ai trouvé intéressante dans parler. Car on s'aperçoit pas forcément qu'on ai enceinte les premiers mois.
Porter un enfant sans le savoir. Sans le sentir. Sept, huit, parfois neuf mois durant. Impossible. Fou. Insensé. Et pourtant, chaque année en France, entre 300 et 350 femmes découvriraient leur grossesse le jour même de l’accouchement. Dénégation, dissimulation ? Le déni de grossesse bouleverse la logique, nous heurte dans nos certitudes. Et nous interroge. Sur la maternité, sur le désir d’enfant, mais aussi sur la force d’une psyché capable de bloquer toute manifestation extérieure de grossesse
Longtemps nié, y compris au sein de la communauté médicale, c’est à l’occasion de tristes faits divers que le déni de grossesse a fait la une des journaux. Et par là même, acquis une crédibilité. Un coup de projecteur sur un phénomène qui n’est pourtant pas si rare : une grossesse sur 400 à 500 serait découverte entre le cinquième et le neuvième mois, et une sur 2500 lors de l’accouchement, selon l’Association française pour la reconnaissance du déni de grossesse (AFRDG).
Ces femmes portent donc en elles un enfant, parfois jusqu’à la naissance, sans le savoir. Et pour cause : leur corps ne laisse rien deviner. « Les signes de grossesse sont soit absents, soit diminués. Et si diminués, ils sont mal interprétés », explique le Dr Félix Navarro, président de l’AFRGD. Les mouvements du bébé sont perçus comme des coliques ; les quelques kilos pris – s’il y a - comme le résultat de petits excès. Certaines femmes continuent à avoir leurs règles ; d’autres sont sous contraception. « Je ne savais pas », se défend Stéphanie. Point de mensonge ou de dissimulation ; on ne peut taire ce que l’on ne sait soi-même.
Des femmes « normales »
Sophie Marinopoulos est l’auteur de La vie ordinaire d’une mère meurtrière (Fayard, 2008)
Si pendant longtemps, les spécialistes réservaient le déni de grossesse aux femmes atteintes de troubles psychiatriques – une manière de se rassurer face à ce non-sens -, on sait aujourd’hui qu’il touche aussi des femmes « saines d’esprit ». Des femmes de tout âge, profil socio-économique, niveau d’étude ou situation familiale. Des femmes déjà mères pour plus de la moitié d’entre elles.
La question se pose alors. La femme ignore-t-elle la grossesse parce que les signes ne sont pas là, ou est-ce parce qu’elle ignore cette grossesse que les signes sont absents ? En somme, qui, du corps ou de la psyché, tient les rênes ? « L’hypothèse dominante est aujourd’hui l’hypothèse psychanalytique », concède le Dr Navarro.
« La psyché est le commandant de bord. Il donne les signes du vivant et peut aussi les entraver », analyse Sophie Marinopoulos, psychanalyste et psychologue. Alors que la psyché interdit la prise de conscience de la grossesse, le corps réagit en positionnant différemment l’utérus ; telle une carapace, une résistance musculaire se crée au niveau de la paroi abdominale. A l’inverse, le corps peut se transformer en un temps record, comme délivré d’un prison mentale. A l’image d’Alexandra qui, après avoir appris de son gynécologue sa grossesse de huit mois et demi, a vu son ventre « pousser » en une nuit. Et a accouché le lendemain.